Projet de résolution portant mise en accusation de Moustapha DIOP devant la haute cour de justice
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La Commission des Lois, de la Décentralisation, du Travail et des Droits humains, après avoir délibéré, en sa séance du 02 mai 2025, a adopté à la majorité, le projet de résolution dont la teneur suit :
Considérant qu’il résulte du Rapport définitif de la Cour des Comptes sur le contrôle de la gestion du fonds de riposte et de solidarité contre les effets de la Covid-19 (Forces COVID), et subséquemment de l’enquête effectuée par la Division des Investigations Criminelles que le Ministère du Développement industriel et des Petites et Moyennes Industries, avait bénéficié d’un montant de 2.500.000.000 F CFA pour l’acquisition de masques ;
Ce montant avait été viré dans le compte de dépôt n° 422048 intitulé « Fonds d’appui à la promotion des Petites et Moyennes Entreprises » ouvert à la trésorerie générale puis, transféré dans un compte ouvert à la Bank Of Africa (BOA) par ledit Ministère ;
Considérant qu’il est ressorti de l’enquête et du rapport de la Cour des Comptes qu’en violation de l’article 11 alinéa 2 de l’arrêté n° 21136 du 21 novembre 2017 portant condition d’ouverture, de fonctionnement et de clôture des comptes de dépôt, le Ministre Moustapha DIOP a nommé un gestionnaire dudit compte, portant le même nom, seul ordonnateur des paiements et des décaissements ;
Ce dernier a en effet, reconnu avoir retiré l’intégralité du montant par différents chèques libellés à l’ordre de Mouhamadou Bamba AMAR pour le paiement en espèces des fournisseurs en vue de l’acquisition de la commande de 6.250.000 masques, au mépris de l’article 104 du décret n° 2020-978 du 23 avril 2020 portant Règlement général sur la Comptabilité publique qui exige un paiement par chèque ou par virement ;
Considérant que l’enquête a aussi révélé que le sieur Mouhamadou Bamba AMAR, qui se faisait passer pour aide comptable au ministère est, en réalité, mécanicien de profession recruté comme chauffeur ;
Entendu par les enquêteurs, il confirmait avoir, sur instructions du Ministre Moustapha DIOP procédé à plusieurs retraits de chèques à la BOA pour des montants compris entre 50.000.000 et 100.000.000 F CFA jusqu’à concurrence de la somme de 2.500.000.000 F CFA ;
Il soutenait qu’après chaque retrait, il remettait le montant au gestionnaire du compte du Ministre Moustapha DIOP, toujours sur les instructions de ce dernier. Au surplus, il reconnaissait avoir personnellement effectué des paiements à l’époque où le gestionnaire était atteint de la Covid-19.
En outre, le gestionnaire Moustapha DIOP avouait n’avoir fait qu’exécuter les instructions de son ministre de tutelle en raison de l’urgence des opérations attendues ;
Dans la même dynamique, Monsieur Adama Baye Racine NDIAYE, Secrétaire général du ministère confirmait que le choix des fournisseurs a été effectué par le Ministre Moustapha DIOP qui a ordonné au DAGE d’établir les contrats à cet effet ;
Lors de l’exploitation des pièces justificatives relative à la répartition des masques, il est apparu un écart considérable entre le nombre de masques déclarés achetés et celui finalement attribué aux structures bénéficiaires.
En effet, la quantité de masques acquise est de 6.250.000 alors que celle réellement distribuée à ces structures est de 3.922.500 masques soit une différence de 2.327.500 ;
Entendue par les enquêteurs, la dame Mariata BASSE fournisseur de son état, a déclaré avoir obtenu du Ministre Moustapha DIOP l’attribution d’un marché de 50.000 masques d’une valeur de 20.000.000 F CFA ;
Elle poursuit en déclarant avoir reçu le paiement intégral de ce montant en espèces des mains du Ministre Moustapha DIOP ;
Entendu à son tour, monsieur Ibrahima Macodou FALL, Directeur général de la société COMASET, a reconnu avoir exécuté une commande de fournitures de 250.000 masques pour un montant de 100.000.000 F CFA reçu intégralement en espèce des mains du Ministre Moustapha DIOP ;
En outre, les enquêteurs ont découvert que les comptes courant et d’épargne du gestionnaire Moustapha DIOP, ouverts dans les livres de la banque UBA ont bien connu des mouvements durant la période de la Covid-19 par des dépôts importants effectués essentiellement par les nommés Mouhamadou SECK et Fatima DIENG ;
Considérant que selon l’article 101 de la Constitution, « le Premier Ministre et les autres membres du Gouvernement sont pénalement responsables des actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions et qualifiés crimes ou délits au moment où ils ont été commis. Ils sont jugés par la Haute Cour de Justice » ;
Considérant que les faits ci-dessus révélés laissent apparaitre des indices et présomptions graves et concordants d’association de malfaiteurs, de concussion, de corruption, de prise illégale d’intérêts, de faux et usage de faux en écritures privées de commerce ou de banque, de détournement de deniers publics, d’escroquerie portant sur des deniers publics, de blanchiment de capitaux et complicité de ces chefs, contre Monsieur Moustapha DIOP, ancien Ministre du Développement industriel et des Petites et Moyennes Industries ;
Considérant que lors de la commission de ces faits révélés par l’enquête de police, Monsieur Moustapha DIOP exerçait des fonctions ministérielles ;
Considérant que ces faits prévus et punis par les articles 238, 239, 159, 160, 161, 162, 156, 157, 135, 136, 152, 153, 45, 46 du Code pénal, 140 du Code de procédure pénale et la loi 2024-08 du 14 février 2024 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive, abrogeant et remplaçant la loi n° 2018-03 du 23 février 2018 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ;
Que de tels faits méritent d’être portés devant la Haute Cour de Justice ;
Décide de la mise en accusation devant la Haute Cour de Justice de Monsieur Moustapha DIOP, ancien Ministre du Développement industriel et des Petites et Moyennes Industries, conformément à l’article 101 de la Constitution, 17 et suivants de la loi n° 2002-10 du 22 février 2002 portant loi organique sur la Haute Cour de Justice, modifiée.