Projet de resolution portant mise en accusation de Salimata Diop devant la haute cour de justice

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La Commission des Lois, de la Décentralisation, du Travail et des Droits humains, après avoir délibéré, en sa séance du 02 mai 2025, a adopté à la majorité, le projet de résolution dont la teneur suit :

Considérant que par lettre référencée n° 000286 / MJ/ CAB/DC en date du 14 avril 2025, le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice a saisi le Président de l’Assemblée nationale d’une requête aux fins de mise en accusation de Madame Salimata DIOP, ancien Ministre de la Femme, de la Famille, du Genre et de la Protection des Enfants devant la Haute Cour de Justice ;

Considérant que, dans le cadre du traitement du rapport relatif à la gestion du Fonds de riposte et de solidarité à la Covid-19 établi par la Cour des Comptes, des enquêtes ont été diligentées ;

Considérant que par lettre référencée n° 0114/PDGK du 08 avril 2025, Monsieur le Procureur Général près la Cour d’Appel de Dakar a transmis au Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, le procès-verbal n° 567/DIC/BAG en date du 18 juillet 2025 de la Division des Investigations criminelles, afférent au Ministère de la Femme, de la Famille, du Genre et de la Protection des Enfants (MFFGPE) ;

Il convient d’abord de relever que le rapport de la Cour des Comptes révèle que le Ministère a reçu une enveloppe de 150.000.000 F CFA ;

Considérant que ce montant était logé dans un compte ouvert dans les livres de la banque Crédit du Sénégal. Le rapport soulignait que les justificatifs de dépenses d’un montant de 36.147.500 F CFA supposées avoir été réalisées étaient les mêmes que ceux qui avaient été produits pour les opérations de la caisse « aide et secours » ;

Le rapport précisait, en outre, que des aides et secours avaient été versés à des personnes ayant les mêmes prénoms et noms de famille avec des numéros de carte nationale d’identité similaires et parfois les mêmes adresses pour des montants différents évalués au total à la somme de 52.223.300 F CFA ;

Entendu par les éléments enquêteurs, le DAGE a soutenu que certains de ces supposés bénéficiaires étaient, en réalité, des fournisseurs. Il a indiqué qu'une partie de ce montant avait servi au paiement de ces derniers et qu'une autre s'élevant à la somme de 22.367.300 F CFA avait été distribuée à titre d'appui financier au profit des agents du Ministère sur décision de « l’Autorité ». Il reconnaissait que ces dépenses étaient initialement prévues pour la prise en charge des opérations de retrait des enfants de la rue ;

Relativement toujours à cette caisse d’avance, outre les pièces dont la sincérité était ainsi mise en cause, la Cour des Comptes avait relevé que l’utilisation d’un montant de 4.828.700 F CFA n’avait pu être justifiée ;

En conclusion, la Cour a retenu que le DAGE s’est retrouvé dans l’incapacité de produire des pièces justificatives des dépenses effectuées par le Ministère de la Femme, de la Famille, du Genre et de la Protection des Enfants pour ce montant de 52.233.300 F CFA ;

Considérant que les bénéficiaires de ces dépenses ont été, à leur tour, entendus ; 

C’est ainsi que les nommés Oumar Souleymane THIAW, Directeur du Centre Education Spécialisée d'Expression et des Loisirs, Khady CISSE trésorière du GIE LAWTAW, Ndèye Ngoye LO assistante sociale à la retraite, Chérif DIAW Directeur administratif et commercial de « Dakar Actu », Thierno Amadou SY, journaliste et Béatrice Marième MENDY, coordonnatrice administrative du Samu social, ont affirmé n’avoir signé, chacun, qu’une seule décharge et ignorer la provenance des autre pièces qui leur sont prêtées et qui ont été produites par le DAGE ;

Aussi, les enquêteurs ont relevé le paiement de primes aux agents du ministère sur les fonds Covid-19 ou de la Caisse d’avance aide et secours ;

Il s’y ajoute d'autres paiements effectués au profit de tiers rattachés frauduleusement à des structures ou à des agents, à leur insu et avec imitation de signatures et usage de fausses références de cartes nationales d'identité, et enfin, des prêts octroyés à des tiers et non remboursés ;

Considérant que sous un autre rapport, le nommé Oumar KA, employé de commerce, entendu, a souligné avoir vendu deux climatiseurs ;

Considérant que l’enquête a révélé que ce matériel a été livré au domicile de Madame le Ministre   Salimta DIOP ;

Considérant qu’au total, le DAGE Djiby DIAKHATE, a déclaré avoir toujours agi avec l’aval écrit et parfois verbal du Ministre Salimata DIOP pour effectuer les décaissements et a indiqué qu’une grande partie de ces dépenses étaient relatives aux opérations de retrait des enfants de la rue et leur prise en charge par les partenaires ;

Il reconnaissait avoir usé de fausses décharges confectionnées par un nommé Ndongo MBAYE, chef du bureau du suivi pour justifier des dépenses non répertoriées mais qui avaient, en réalité, été exécutées sur instruction du Ministre Salimata DIOP ;

Considérant que selon l’article 101, alinéa 2, de la Constitution, « le Premier Ministre et les autres membres du Gouvernement sont pénalement responsables des actes accomplis dans l'exercice de leurs fonctions et qualifiés crimes ou délits au moment où ils ont été commis. Ils sont jugés par la Haute Cour de Justice » ;

Qu’en vertu des dispositions de l'article 17 de la loi organique n° 2002-10 du 22 février 2002 sur la Haute Cour de Justice, les poursuites sont exercées suite à la résolution de l’Assemblée nationale votée dans les conditions prévues à l’article 101 de la Constitution et portant mise en accusation devant la Haute Cour de Justice ;

Considérant que les faits ci-dessus révélés laissent apparaitre des présomptions graves et concordantes d’association de malfaiteurs, de faux et d’usage de faux en écritures privées, de commerce ou de banque, de détournement de deniers publics, d’escroquerie portant sur des deniers publics, et de complicité de ces chefs, contre Madame Salimata DIOP, ancien Ministre de la Femme, de la Famille, du Genre et de la Protection des Enfants ;

Considérant que lors de la commission de ces faits relatés dans le rapport de la Cour des Comptes Madame Salimata DIOP exerçait des fonctions ministérielles ;

Considérant que ces faits sont punis par les articles 238, 239, 152, 153, 45, 46, 135, 136 du Code pénal, 140 du Code de Procédure pénale et la loi 2024-08 du 14 février 2024 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive, abrogeant et remplaçant la loi n° 2018-03 du 23 février 2018 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ;

Que de tels faits méritent d’être portés devant la Haute Cour de Justice ;

Décide de la mise en accusation devant la Haute Cour de Justice de Madame Salimata DIOP, ancien Ministre de la Femme, de la Famille, du Genre et de la Protection des Enfants, conformément à l’article 101 de la Constitution, 17 et suivants de la loi n° 2002-10 du 22 février 2002 portant loi organique sur la Haute Cour de Justice, modifiée.