Rapport Commission portant mise en accusation de Moustapha DIOP devant la haute cour de justice
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Monsieur le Président,
Messieurs les Ministres,
Chers Collègues,
La Commission des Lois, de la Décentralisation, du Travail et des Droits humains s’est réunie le vendredi 02 mai 2025, sous la présidence de Monsieur Abdoulaye TALL, Président de ladite Commission, à l’effet d’examiner le projet de résolution portant mise en accusation devant la Haute Cour Justice de Monsieur Moustapha DIOP, ancien Ministre du Développement industriel et des Petites et Moyennes Industries.
Ouvrant la séance, Monsieur le Président a informé que le Président de l’Assemblée nationale a été saisi par Monsieur Ousmane DIAGNE, Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, par lettre en date du 14 avril 2025 ayant pour objet la poursuite pénale à l’encontre de Monsieur Moustapha DIOP, ancien Ministre de la République.
À la lecture de cette lettre, il ressort que Monsieur Moustapha DIOP a été cité dans l’affaire relative à la gestion du Fonds de riposte et de solidarité à la COVID-19 alloué au Ministère du Développement industriel et des Petites et Moyennes Industries. Le montant alloué s’élève à 2 500 000 000 de F CFA pour l’acquisition de masques.
Pour assurer la gestion de ces fonds, l’ancien Ministre Moustapha DIOP avait nommé un certain Moustapha DIOP comme gestionnaire en violation de l’article 11, alinéa 2, de l’arrêté n° 21 136 du 21 novembre 2017 portant conditions d’ouverture, de fonctionnement et de clôture des comptes de dépôt.
D’après l’enquête de la Division des Investigations criminelles, ce gestionnaire a reconnu avoir payé en espèces, sur instruction de son Ministre de tutelle, en violation de l’article 104 du décret n° 2020-978 du 23 avril 2020 portant règlement général sur la comptabilité publique qui exige un paiement par chèque ou par virement.
L’enquête a également révélé que l’ancien Ministre Moustapha DIOP a procédé à plusieurs reprises à des paiements en espèces, en violation des dispositions susmentionnées. En effet, la Dame Mariata BASSE a déclaré avoir bénéficié d’un marché de 50 000 masques pour un montant de 20 000 000 F CFA qu’elle a reçu en intégralité et en espèces, des mains du Ministre Moustapha DIOP.
Le sieur Ibrahima FALL, Directeur Général de la Société COMASET, entendu, a déclaré avoir exécuté un marché de fourniture de 250 000 masques pour un montant de 100 000 000 F CFA, reçu également en espèces des mains du Ministre Moustapha DIOP.
Le Secrétaire général du ministère a, quant à lui, expliqué que le choix des fournisseurs a été effectué par le Ministre Moustapha DIOP, qui a ordonné au DAGE d’établir les contrats à cet effet.
Les investigations ont aussi révélé un gap de 2 327 500 masques, suite à l’exploitation des pièces justificatives relatives à leur répartition.
Ainsi, conformément aux dispositions de l’article 101 de la Constitution : « Le Premier Ministre et les autres membres du Gouvernement sont pénalement responsables des actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions et qualifiés crimes ou délits au moment où ils ont été commis. Ils sont jugés par la Haute Cour de Justice. ».
Par ailleurs, en vertu de l’article 17 de la loi organique n° 2002-10 du 22 février 2002 sur la Haute Cour de Justice, la résolution de l’Assemblée nationale votée dans les conditions prévues à l’article 101 de la Constitution et portant mise en accusation devant la Haute Cour contient les prénoms, les noms et fonctions des accusés, l’énoncé sommaire des faits qui leur sont reprochés et, dans les cas prévus à l’alinéa 2 de l’article 101 de la Constitution, le visa des dispositions législatives en vertu desquelles est exercée la poursuite.
À l’issue de ces investigations, des présomptions graves et concordantes de détournement de deniers publics pèsent sur l’ancien Ministre Moustapha DIOP, faits prévus et punis par les articles 152 et suivants du Code pénal et 140 du Code de Procédure pénale.
C’est ainsi que Monsieur le Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, sollicite, conformément aux dispositions citées ci-dessus, sa mise en accusation devant la Haute Cour de Justice.
Prenant la parole, les Commissaires ont, d’emblée, mis le focus sur la provenance, les objectifs ainsi que les circonstances ayant motivé la mise en place du Fonds de riposte et de solidarité à la COVID-19.
À ce propos, ils ont rappelé que ce fonds, provenant en grande partie de contributions des Sénégalais d’ici et de la Diaspora, était destiné à faire face aux effets néfastes de la pandémie de COVID-19, afin de prendre les dispositions nécessaires pour que les hôpitaux puissent être de véritables refuges capables d’apporter les soins nécessaires aux patients atteints du coronavirus, mais également d’apporter un soutien financier aux personnes impactées par la pandémie, entre autres.
Toutefois, il a été soutenu qu’au même moment où des centaines de pertes en vies humaines, pour cause notamment de rupture d’oxygène, ont été enregistrées, les populations confinées et le couvre-feu ordonné, certaines personnes se sont emparées de l’argent du contribuable sénégalais.
Sur ce point, ils ont indiqué que, dans le cadre de cette affaire impliquant l’ancien Ministre Moustapha DIOP, le rapport de la Cour des Comptes laisse apparaitre un certain nombre d’irrégularités sur la gestion des fonds liés à la lutte contre la COVID-19, qui est une question d’intérêt national nécessitant d’être éclairée.
Ainsi, ils feront noter qu’un gap d’un lot de masques d’une valeur de 930 millions de FCFA a été révélé, en plus de la violation des règles de la comptabilité, conformément à l’article 104 du décret n° 2020-978 du 23 avril 2020 portant règlement général sur la comptabilité publique qui exige un paiement par chèque ou par virement.
Ainsi, il a été précisé que l’Assemblée nationale doit contribuer à la manifestation de la vérité en permettant à la Justice de mener toutes les investigations nécessaires, étant entendu qu’elle ne dispose d’aucune compétence pour juger ou statuer sur la véracité ou non des accusations portées à l’endroit de l’ancien Ministre Moustapha DIOP.
Enfin, Monsieur le Président a procédé à la lecture du projet de résolution concernant l’ancien Ministre Moustapha DIOP. Ledit projet est annexé au présent rapport.
Au regard de tout ce qui précède, les membres de la Commission des Lois, de la Décentralisation, du Travail et des Droits humains ont adopté, à la majorité, le projet de résolution portant mise en accusation devant la Haute Cour de Justice de Monsieur Moustapha DIOP, ancien Ministre du Développement industriel et des Petites et Moyennes Industries. Ils vous demandent d’en faire autant, s’il ne soulève, de votre part, aucune objection majeure.