Rapport Commission portant mise en accusation de Salimata DIOP devant la haute cour de justice
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Monsieur le Président,
Messieurs les Ministres,
Chers Collègues,
La Commission des Lois, de la Décentralisation, du Travail et des Droits humains s’est réunie le vendredi 02 mai 2025, sous la présidence de Monsieur Abdoulaye TALL, Président de ladite Commission, à l’effet d’examiner le projet de résolution portant mise en accusation devant la Haute Cour de Justice de Madame Salimata DIOP, ancien Ministre de la Femme, de la Famille, du Genre et de la Protection des Enfants.
Ouvrant la séance, Monsieur le Président a informé que le Président de l’Assemblée nationale a été saisi par Monsieur Ousmane DIAGNE, Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, par lettre en date du 14 avril 2025 ayant pour objet la poursuite pénale à l’encontre de Madame Salimata DIOP, ancien Ministre de la République.
Cette correspondance a cité le rapport de la Cour des Comptes qui a révélé que le Ministère de la Femme, de la Famille, du Genre et de la Protection des Enfants (MFFGPE) avait reçu une enveloppe de 150 000 000 F CFA au titre du Fonds de riposte et de solidarité à la COVID-19. Ce document a montré que les justificatifs de dépenses d’un montant de 36 147 500 FCFA, supposées avoir été réalisées, étaient les mêmes que ceux qui avaient été produits pour les opérations de la caisse « aide et secours ».
Sur ce point, le rapport a aussi indiqué que des aides et secours avaient été versés à des personnes ayant les mêmes prénoms et noms de famille avec des numéros de carte nationale d’identité similaires et parfois les mêmes adresses pour des montants différents, arrêtés à la somme de 52 223 000 FCFA.
Entendu par les enquêteurs, le DAGE du ministère a soutenu que certains de ces supposés bénéficiaires étaient en réalité des fournisseurs. Il a mentionné qu’une partie de ce montant avait servi au paiement de ces derniers et qu’une autre partie, s’élevant à la somme de 22 367 300 FCFA, avait été distribuée à titre d’appui financier au profit des agents du département sur décision de « l’Autorité ». Il avait toutefois reconnu que ces derniers étaient initialement prévus pour la prise en charge des opérations de retrait des enfants de la rue.
En outre, pour les pièces relatives à cette caisse d’avance, dont la sincérité est ainsi mise en cause, la Cour des Comptes avait relevé que l’utilisation d’un montant de 4 828 700 F CFA n’avait pu être justifiée.
De plus, le Directeur du Centre Education Spécialisée d’Expression et des Loisirs, la trésorière du GIE LAWTAW, le Directeur administratif et commercial de « Dakar Actu » et la Coordinatrice administrative du Samu Social ont affirmé n’avoir signé chacun qu’une seule décharge et ignorer la provenance des autres pièces qui leur sont attribuées et qui ont été produites par le DAGE.
D’autres paiements ont également été effectués au profit de tiers, rattachés frauduleusement à des structures ou à des agents, à leur insu, avec imitation de signature et usage de fausses références de cartes nationales d’identité. L’enquête a aussi révélé des prêts octroyés à des tiers non remboursés.
Par la suite, un employé de commerce, ayant été entendu, a souligné avoir vendu au ministère deux climatiseurs. L’enquête a révélé que ces appareils avaient été livrés au domicile du Ministre de la Femme, de la Famille, du Genre et de la Protection des Enfants.
Le DAGE a, en outre, déclaré avoir toujours agi avec l’aval écrit et parfois verbal du Ministre Salimata DIOP pour effectuer les décaissements. Il a reconnu avoir usé de fausses décharges confectionnées par le chef du bureau du suivi de la Direction de l’Administration générale et de l’Equipement du ministère pour justifier des dépenses non répertoriées, mais qui avaient, en réalité, été exécutées sur instruction de son Ministre.
Selon l’article 101, alinéa 2, de la Constitution : « Le Premier ministre et les autres membres du Gouvernement sont pénalement responsables des actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions et qualifiés crimes ou délits au moment où ils ont été commis. Ils sont jugés par la Haute Cour de Justice. ».
Par ailleurs, en vertu de l’article 17 de la loi organique n° 2002-10 du 22 février 2002 sur la Haute Cour de Justice, modifiée, la résolution de l’Assemblée nationale votée dans les conditions prévues à l’article 101 de la Constitution et portant mise en accusation devant la Haute Cour contient les prénoms, les noms et fonctions des accusés, l’énoncé sommaire des faits qui leur sont reprochés et, dans les cas prévus à l’alinéa 2 de l’article 101 de la Constitution, le visa des dispositions législatives en vertu desquelles est exercée la poursuite.
À l’issue de ces investigations, des présomptions graves et concordantes justifient l’ouverture d’une procédure d’instruction contre Madame Salimata DIOP du chef de complicité de détournement de deniers publics d’un montant de 57 062 000 FCFA, faits prévus par les articles 45-3, 46, 152 du Code pénal et 140 du Code de Procédure pénale.
En raison de toutes ces considérations, Monsieur le Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, a demandé, conformément aux dispositions citées ci-dessus, sa mise en accusation devant la Haute Cour de Justice.
Prenant la parole, certains Commissaires ont jugé légitime et fondé l’examen du présent projet de résolution portant mise en accusation de l’ancien Ministre Salimata DIOP dont les faits susmentionnés militent en faveur de son adoption.
Parallèlement, ils feront noter que les enquêtes de la Division des Investigations criminelles ont révélé que le DAGE du ministère a déclaré avoir agi sur instruction de son ancien Ministre de tutelle, en l’occurrence Madame Salimata DIOP, pour effectuer ces décaissements frauduleux.
Sur ce, ils ont indiqué que, compte tenu de sa qualité d’ordonnateur des crédits, Madame Salimata Diop doit répondre à la Justice afin d’apporter la lumière sur les présomptions graves de complicité de détournement de deniers publics d’un montant de 57 062 000 FCFA qui pèsent sur sa personne.
Enfin, Monsieur le Président a procédé à la lecture du projet de résolution concernant l’ancien Ministre Salimata DIOP. Ledit projet est annexé au présent rapport.
Au regard de ce qui précède, les membres de la Commission des Lois, de la Décentralisation, du Travail et des Droits humains ont adopté, à la majorité, le projet de résolution portant mise en accusation devant la Haute Cour de Justice de Madame Salimata DIOP, ancien Ministre de la Femme, de la Famille, du Genre et de la Protection des Enfants. Ils vous demandent d’en faire autant, s’il ne soulève, de votre part, aucune objection majeure.