Rapport Commission portant mise en accusation de Sophie GLADIMA devant la haute cour de justice

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Monsieur le Président,
Messieurs les Ministres, 
Chers Collègues,

La Commission des Lois, de la Décentralisation, du Travail et des Droits humains s’est réunie le vendredi 02 mai 2025, sous la présidence de Monsieur Abdoulaye TALL, Président de ladite Commission, à l’effet d’examiner le projet de résolution portant mise en accusation devant la Haute Cour de Justice de Madame Aïssatou Sophie GLADIMA, ancien Ministre des Mines et de la Géologie.
Ouvrant la séance, Monsieur le Président a précisé que les membres de l’Assemblée nationale faisant partie de la Haute Cour de Justice ne prennent part ni aux débats, ni au vote sur la mise en accusation, conformément aux dispositions de l’article 18 de la loi organique n° 2002-10 du 22 février 2002 sur la Haute Cour de Justice.

Il a, par la suite, informé que le Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, a saisi le Président de l’Assemblée nationale par lettre en date du 14 avril 2025 qui a pour objet la poursuite pénale à l’encontre de Madame Aïssatou Sophie GLADIMA, ancien Ministre de la République.

D’après cette correspondance, le Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance Hors Classe de Dakar avait, pour donner suite au rapport relatif à la gestion du Fonds de riposte et de solidarité à la COVID-19 établi par la Cour des Comptes, ordonné à la Division des Investigations criminelles (DIC) d’ouvrir des enquêtes.

Relativement à ces enquêtes, le Directeur de l’Administration générale et de l’Equipement du Ministère des Mines et de la Géologie au moment des faits a indiqué que c’est Madame le Ministre Aïssatou Sophie GLADIMA qui avait choisi, pour l’utilisation de la somme globale de 1 milliard de FCFA du Fonds Force-COVID mis à la disposition du département, d’ériger un centre gravimétrique à Kédougou pour les orpailleurs impactés par la pandémie. Il a expliqué que le marché avait été attribué à la société commerciale du Groupe ISSA dite SCGI qui avait déjà acheté le matériel pour un montant de 119 879 070 FCFA et n’attendait que la disponibilité du site pour la construction de l’ouvrage d’un coût de 73 200 000 FCFA.
Il a aussi relevé que le Gouverneur de la région de Kédougou avait été sollicité en vain pour la mise à disposition d’un terrain de 1000 m².

Le DAGE a également souligné que Madame le Ministre Aïssatou Sophie GLADIMA lui avait donné son aval pour payer la somme de 73 200 000 FCFA au fournisseur contre une déclaration sur l’honneur et une facture en bonne et due forme. Il a reconnu avoir agi en marge de la réglementation qui exige le paiement après service effectué.

Interrogé à son tour, le nommé Ibrahima ISSA a indiqué avoir déjà exécuté le premier volet du marché portant sur l’acquisition de matériel d’un coût global de 119 870 000 FCFA. S’agissant du second volet, il a expliqué qu’il attendait la mise à disposition d’un site pouvant abriter l’unité de traitement gravimétrique, après avoir reçu une avance de démarrage. Le nommé Ibrahima ISSA a également soutenu que c’est le DAGE qui avait décidé certainement avec l’accord de sa hiérarchie de lui verser le reliquat avant même l’exécution des travaux. 
 Il a aussi déclaré avoir encaissé de bonne foi la somme de 73 200 000 FCFA sans service fait, tout en déclarant être disposé à procéder à son remboursement. Il a ainsi produit un procès-verbal de constat d’huissier en date du 15 avril 2023, avec les planches photographiques attestant de la présence du matériel destiné à la construction dudit centre entreposé dans son domicile et au siège de sa société, sise au rond-point SCOA à Dakar.

Réentendu le 19 mai 2023, le nommé Ibrahima ISSA a déclaré que le directeur de l’exploitation minière artisanale et à petite échelle du Ministère des Mines et de la Géologie l’avait invité, par correspondance, à acheminer l’ensemble du matériel de l’unité de traitement gravimétrique à Kédougou. Il a souligné qu’à ce titre tout le matériel est maintenant sur place, comme en atteste le bordereau de livraison n° 8 du 8 mai 2023, et que, par conséquent, il est à l’écoute du ministère pour le montage de l’unité.
Par réquisition, la Société Orabank a produit les copies des trois chèques de paiement du Trésor public émis par le Ministère au profit du Groupe ISSA d’un montant global de 119 870 000 FCFA pour la construction d’un centre gravimétrique à Kédougou au profit des orpailleurs impactés par la pandémie.

Il résulte de l’enquête que le montant de 80 millions de FCFA ayant servi au paiement du matériel qui est supposé avoir été acheté a fait l’objet d’une transaction tout à fait informelle. L’argent a été remis à un opérateur de transfert s’activant aux allées Papa gueye FALL avant qu’un de ses correspondants ne remette au fournisseur chinois une somme équivalente en Chine en lieu et place d’un ordre de virement international.
Ainsi, les déclarations du nommé Ibrahima ISSA selon lesquelles il attendait en vain que le Ministère des Mines et de la Géologie mette à sa disposition un site pouvant abriter le centre ne résistent pas à une analyse objective du dossier, d’autant plus qu’il a accepté de recevoir ultérieurement pour la finalisation du projet un montant de 73 millions de FCFA, alors que celui-ci n’avait pas encore commencé à être exécuté.
Au regard des dispositions de l’article 101 de la Constitution : « Le Premier Ministre et les autres membres du Gouvernement sont pénalement responsables des actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions et qualifiés crimes ou délits au moment où ils ont été commis. Ils sont jugés par la Haute Cour de Justice. ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 17 de la loi organique n° 2002-10 du 22 février 2002 sur la Haute Cour de Justice la résolution de l’Assemblée nationale votée dans les conditions prévues à l’article 101 de la Constitution et portant mise en accusation devant la Haute Cour contient les prénoms, les noms et fonctions des accusés, l’énoncé sommaire des faits qui leur sont reprochés et, dans les cas prévus à l’alinéa 2 de l’article 101 de la Constitution, le visa des dispositions législatives en vertu desquelles est exercée la poursuite.
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède des indices et présomptions graves et concordantes d’association de malfaiteurs, de détournement de deniers publics, d’escroquerie portant sur les deniers publics, de blanchiment de capitaux et de complicité de ces chefs contre Madame Aïssatou Sophie GLADIMA, ancien Ministre des Mines et de la Géologie pour un préjudice évalué provisoirement à la somme de 193 070 000 de FCFA, faits prévus et punis par les articles 238, 239, 152, 153, 45, 46 du Code pénal, 140 du Code de Procédure pénale et la loi 2004-08 du 14 février 2024 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive.

Sous le bénéfice de ces considérations, Monsieur le Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, sollicite, conformément aux dispositions citées ci-dessus, sa mise en accusation devant la Haute Cour de Justice.
Enfin, Monsieur le Président a procédé à la lecture du projet de résolution concernant l’ancien Ministre Aïssatou Sophie GLADIMA. Ledit projet est annexé au présent rapport.

À la suite de ce qui précède, les membres de la Commission des Lois, de la Décentralisation, du Travail et des Droits humains ont adopté, à la majorité et sans débat, le projet de résolution portant mise en accusation devant la Haute Cour de Justice de Madame Aïssatou Sophie GLADIMA, ancien ministre des Mines et de la Géologie. Ils vous demandent d’en faire autant, s’il ne soulève, de votre part, aucune objection majeure.