Rapport Commission portant proposition de loi organique n° 10/2025 portant Règlement intérieur de l’Assemblée nationale

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La Commission des Lois, de la Décentralisation, du Travail et des Droits humains s’est réunie le mercredi 25 juin 2025, sous la présidence de Monsieur Abdoulaye TALL, Président de ladite Commission, à l’effet d’examiner la proposition de loi organique n° 10/2025 portant Règlement intérieur de l’Assemblée nationale.

Cette proposition de loi organique a été introduite par nos Collègues Mohamed Ayib Salim DAFFE, Président du Groupe parlementaire Pastef les Patriotes, Aïssata TALL, Présidente du Groupe parlementaire Takku Wallu Sénégal, et Tafsir THIOYE, Député non-inscrit.

Ouvrant la séance, Monsieur le Président a, d’abord, adressé ses salutations à ses Collègues Députés. Il a, ensuite, donné la parole au Président Mohamed Ayib Salim DAFFE pour la lecture de l’exposé des motifs sous-tendant l’élaboration de ladite proposition de loi.

À l’entame de son propos, il a indiqué que ce texte est le fruit d’un travail collégial, élaboré par un Comité ad hoc, composé de toutes les sensibilités représentées au sein de notre Institution. Elle traduit, dira-t-il, l’ambition de hisser l’Assemblée nationale aux rangs des Institutions parlementaires performantes, indépendantes, plurielles et ouvertes en vue de répondre véritablement aux nouvelles exigences que lui dictent les avancées de notre démocratie, pour mieux servir le peuple sénégalais, seul, souverain.

Selon lui, cette haute ambition, en cohérence avec les aspirations exprimées par les députés de la 15ème Législature, nécessite un remodelage adéquat du cadre organisationnel et du mode de fonctionnement de la représentation nationale. L’objectif clairement visé est de permettre aux députés, élus du peuple, de disposer de tous les leviers opérationnels aux fins d’accomplir efficacement leurs éminentes missions de légiférer, de contrôler l’action du Gouvernement et d’évaluer les politiques publiques, conformément à la Charte fondamentale, a-t-il fait savoir.

Notre Collègue a, dans ce cadre, précisé que la présente proposition de réforme entend justement répondre à cet impératif. En effet, au-delà des modifications pertinentes apportées à la procédure législative, cette proposition de loi consacre le renforcement de l’efficacité du contrôle parlementaire.

S’agissant de la Commission d’enquête parlementaire, il a informé que les procédures de sa mise en place sont mieux définies et ses moyens d’investigation sont renforcés, permettant d’assurer une meilleure information de l’Assemblée nationale et des citoyens. Désormais, l’Assemblée nationale dispose de moyens légaux pour contraindre les personnes convoquées à répondre devant la Commission d’enquête, dont les débats pourront être retransmis. En cas de constatation d’infractions, la Commission peut saisir directement le Procureur de la République aux fins de poursuites.

Relativement à l’évaluation des politiques publiques, prérogative conférée à l’Assemblée nationale depuis le référendum du 20 mars 2016, il a indiqué qu’elle n’a jamais été mise en œuvre, nonobstant la création d’un Comité ad hoc d’évaluation des politiques publiques. Cet organe, inadapté du fait de son caractère temporaire, était plongé dans une léthargie congénitale à cause, notamment, de l’absence de définition de ses modalités de fonctionnement.

Notre Collègue dira qu’avec cette proposition de loi, l’évaluation des politiques publiques prend toute sa place dans le nouveau dispositif. L’Assemblée nationale va maintenant disposer d’un organe de gouvernance moderne, avec la création d’un Comité permanent d’évaluation des politiques publiques. Tout le processus d’évaluation, y compris les interactions avec les différentes instances de l’Assemblée, est clairement défini. Ce nouveau schéma institutionnel, arrimé aux standards les plus élevés des assemblées parlementaires de référence, permettra d’asseoir un système d’évaluation parlementaire robuste, dynamique, performant et durable, a-t-il annoncé. 

Par ailleurs, il a indiqué que les exigences de transparence et de redevabilité envers les citoyens, par le biais d’une communication améliorée, constituent une autre dimension de la réforme. Ces exigences trouvent un écho favorable dans la création d’une chaîne parlementaire. Cette chaîne permettra d’ouvrir l’Assemblée nationale au peuple pour renforcer sa confiance dans le fonctionnement de notre démocratie représentative.

Selon lui, la viabilité du système de représentativité est essentiellement tributaire du degré de confiance que les citoyens lui accordent. Cette confiance renforce la crédibilité des institutions et contribue à la vitalité de la démocratie. Avec la création d’une chaîne parlementaire, l’Assemblée nationale donne pleinement corps à l’effectivité du droit à l’information reconnu par la Charte fondamentale.

Parallèlement, il a soutenu que la procédure de demande de levée de l’immunité parlementaire a fait l’objet d’un aménagement pour plus de transparence et d’efficacité. Il en est de même du régime des incompatibilités qui a été davantage clarifié, tout comme la procédure d’élection et de remplacement du Président de l’Assemblée nationale le cas échéant.

Il a, en outre, souligné que la réforme consacre également l’augmentation du nombre des membres de la quasi-totalité des Commissions permanentes, tout en renforçant le rôle de coordination de la Conférence des Présidents.

Notre Collègue a clos la lecture de l’exposé des motifs en indiquant que la proposition de loi apporte les innovations suivantes :

-     une définition claire de la procédure d’élection et de remplacement du Président de l’Assemblée nationale le cas échéant ;

-     l’augmentation de la taille des Commissions permanentes qui passent de 30 à 35 membres à l’exception de la Commission des Délégations et de la Commission de Comptabilité et de Contrôle ;

-     le renforcement du rôle de coordination de la Conférence des Présidents ;

-     l’institution d’un Comité permanent d’évaluation des politiques publiques ;

-     l’aménagement d’une procédure de demande de levée de l’immunité parlementaire plus transparente et efficace ;

-     la redéfinition des procédures de mise en place des Commissions d’enquête parlementaire et du renforcement de ses moyens d’investigation ;

-     la création d’une chaîne parlementaire et la retransmission des débats parlementaires ;

-     la clarification du régime des incompatibilités.

 

Prenant la parole, Madame Aïssata TALL, Présidente du Groupe parlementaire Takku Wallu Sénégal, après avoir fait sienne les différentes innovations apportées par la proposition de loi, est revenue sur le contexte dans lequel le Comité ad hoc a travaillé. Elle a, à cet égard, magnifié l’esprit serein et la démarche consensuelle qui ont caractérisé les travaux d’identification des points de réforme du Règlement intérieur.

Intervenant à leur tour, vos Commissaires ont adressé leurs chaleureuses félicitations aux membres du Comité ad hoc, particulièrement aux trois (03) Collègues cosignataires de cette proposition de loi.

Ils se sont, ensuite, félicités de la qualité du travail accompli, avant de faire part de leurs préoccupations et suggestions qui, pour l’essentiel, se résument aux points ci-après :

Dans le souci de mieux appréhender la pertinence de la réforme proposée, des éclairages ont été sollicités pour édifier davantage vos Commissaires sur les raisons qui sous-tendent les innovations apportées à la procédure d’élection et de remplacement du Président de l’Assemblée nationale le cas échéant, ainsi qu’au rôle de coordination de la Conférence des Présidents. Il en est de même du régime des incompatibilités et de la couverture médiatique des travaux parlementaires, à travers la création d’une chaine parlementaire.

Sur ce point, il a été relevé que les dispositions de l’article 102 de la proposition de loi qui prévoit l’élaboration d’un magazine parlementaire réalisé par les services de la télévision, de la radio et des autres médias du service public doivent être revues. En effet, il serait plus approprié de confier la réalisation de ce magazine à la chaine parlementaire.

Abordant la question de la définition des modalités de suppléance des députés nommés membres du Gouvernement, il a été soutenu que la Constitution a renvoyé à une loi organique autre que celle portant Règlement intérieur de l’Assemblée nationale. Ainsi, il a été suggéré de prendre une loi organique spécifique, conformément à la Charte fondamentale, pour définir les modalités de suppléance des députés concernés.

Parallèlement, certains Commissaires ont préconisé l’harmonisation de la durée des mandats du Président de l’Assemblée nationale et des autres membres du Bureau. Ils ont également mis l’accent sur la nécessité d’encadrer davantage les procédures d’élaboration des questions écrites, orales et celles adressées au Gouvernement pour éviter qu’elles ne se retrouvent sur la place publique, avant même leur réception puis transmission aux autorités concernées. De même, il a été recommandé de revoir à la hausse le nombre des assistants parlementaires pour permettre aux députés de mieux bénéficier de leur service.

Dans cette même dynamique, vos Commissaires ont demandé si la réforme proposée clarifie certaines dispositions qui suscitent des interprétations divergentes, particulièrement celles portant sur l’application de la parité au sein du Bureau de l’Assemblée nationale.

S’agissant de la question de la démission, ils ont estimé que les dispositions y relatives, telles qu’elles sont formulées, permettent aux partis politiques de priver un député de son mandat conféré par le peuple. Selon eux, ce procédé n’est pas compatible avec l’esprit et la lettre de la Constitution, qui a proscrit le mandat impératif. Par conséquent, ils ont considéré que ces dispositions qui donnent pouvoir au Bureau de l’Assemblée nationale de constater, hors session, la démission d’un député mérite d’être revues.

Sur la Commission d’enquête parlementaire, ils ont sollicité des précisions supplémentaires sur les modalités de recourir à la force publique, sans passer par le Procureur de la République, en cas de refus d’une personne de déférer à la convocation pour audition.

Par ailleurs, des observations de forme ont été formulées sur l’agencement des dispositions relatives à la Commission des Délégations et à la Commission de Comptabilité et de Contrôle. Les dispositions les concernant doivent être séparées de celles se rapportant aux autres Commissions permanentes pour plus de cohérence rédactionnelle, a-t-il été recommandé.

En réponse aux préoccupations exprimées, notre Collègue Mohamed Ayib Salim DAFFE, est revenu sur le contenu de certaines dispositions innovantes consacrées par la proposition de réforme.

À ce propos, il dira que la procédure d’élection du Président de l’Assemblée nationale a été clairement définie, de même que les modalités de son remplacement en cas de vacance de la présidence, lesquelles ne sont pas nettement prises en compte par le Règlement intérieur en vigueur.

Il a également précisé que la Conférence des Présidents a été renforcée dans son rôle de coordination des activités de l’Assemblée nationale. En plus de ses prérogatives classiques, elle recevra désormais le programme de travail prévisionnel et le rapport-bilan annuel des activités de certains organes internes de notre Institution, notamment les Commissions permanentes, pour mieux jouer son rôle de coordination.

Pour ce qui est de la réalisation du magazine parlementaire par les services internes de l’Assemblée nationale, notre Collègue dira prendre bonne note de cette suggestion.

Concernant la définition des modalités de suppléance du député nommé membre de gouvernement, il a indiqué que la Constitution a uniquement renvoyé à une loi organique. Par conséquent, le Règlement intérieur de l’Assemblée nationale étant une loi organique, rien n’empêche qu’il définisse ces modalités de suppléance qui concernent directement les députés.

Relativement à l’harmonisation de la durée des mandats du Président de l’Assemblée nationale et des autres membres du Bureau, il dira que l’option a été prise de maintenir les dispositions actuellement en vigueur.

Sur l’encadrement des procédures relatives aux questions écrites, orales et celles adressées au Gouvernement, notre Collègue a précisé que cette préoccupation peut être prise en charge par une Instruction générale du Bureau. D’ailleurs, indiquera-t-il, l’un des défis, après l’adoption de la présente proposition de loi, sera d’élaborer toutes les Instructions générales pour permettre une meilleure application du Règlement intérieur.

Réagissant à la question des assistants parlementaires, il a fait savoir qu’avec la réforme proposée, obligation est faite à l’Assemblée nationale de les recruter pour le service des députés. Il a également informé que des efforts sont en train d’être consentis à travers la réforme du Règlement administratif et l’adoption d’un nouvel organigramme de l’Assemblée nationale pour leur doter d’un statut et créer une division dédiée à l’assistance parlementaire. Selon lui, l’objectif clairement visé est d’augmenter l’effectif en place sur la base des moyens dont dispose notre Institution.

En ce qui concerne l’agencement des articles relatifs à la Commission des Délégations et à la Commission de Comptabilité et de Contrôle, il dira prendre bonne note des recommandations formulées.

Répondant à l’interpellation sur la constatation par le Bureau de la démission d’un député, hors session, il a informé que les dispositions y afférentes doivent être analysées à l’aune de plusieurs situations juridiques susceptibles de se présenter. C’est, notamment, le cas du député qui se trouve dans une situation d’incompatibilité, alors que l’Assemblée nationale a clôturé sa session ordinaire unique. En pareille situation, le Bureau doit pouvoir se saisir de cette question pour constater la démission du député concerné.

C’est pour prendre en compte toutes les situations juridiques que ce point n’a pas fait l’objet d’un consensus. En conséquence, il a été jugé opportun de maintenir, telles que rédigées, les dispositions en vigueur qui donnent pouvoir au Bureau de constater, hors session, la démission d’un député.

Sur le recours à la force publique, sans passer par le Procureur de la République, en cas de refus d’une personne de déférer à la convocation d’une Commission d’enquête pour audition, il a expliqué que les modalités pratiques sont clairement précisées à l’alinéa 2 de l’article 62 du présent texte. Désormais, le Président de l’Assemblée nationale peut adresser directement une réquisition à tous officiers et fonctionnaires qui sont tenus d’y déférer immédiatement sous les peines prévues par la loi, en vue de contraindre les personnes convoquées à se présenter pour être auditionnées.

À la suite de notre Collègue, Madame la Présidente Aïssata TALL a repris la parole pour apporter des compléments d’information.

À cet égard, elle est revenue sur l’esprit et les lignes directrices qui constituent le socle de la réforme proposée et qui peuvent se résumer principalement en trois (03) points. Le premier point concerne le renforcement substantiel des pouvoirs de l’Assemblée nationale, conformément à la Constitution, ainsi que la protection des députés. Sur ce dernier point, elle a mis en exergue l’aménagement d’une procédure de demande de levée de l’immunité parlementaire plus protectrice des droits des députés.

Le deuxième point vise à combler les lacunes de certaines dispositions qui posent des principes sans pour autant apporter de précisions sur les modalités de leur mise en œuvre. Enfin, le dernier point consiste à éviter des contentieux similaires à celui en cours devant la Cour suprême portant sur l’application de la parité au sein du Bureau. Désormais, les modes d’élection du Président de l’Assemblée nationale et des autres membres du Bureau sont clairement dissociés et prévus dans des articles séparés. Il s’agit là de la technique de l’isolement de l’élection du Président de l’Assemblée nationale, permettant ainsi de commencer l’application de la parité à partir des élections au scrutin de liste des autres membres du Bureau.

Elle a conclu son propos en précisant que les dispositions du Règlement intérieur ne doivent pas être immuables ; au contraire, elles doivent être constamment réadaptées pour améliorer le fonctionnement de notre Institution.

Au moment du vote, un amendement à l’article 57 ainsi rédigé a été proposé et adopté à l’unanimité: « les délibérations des commissions d’enquête se déroulent à huit clos. ».

Satisfaits des réponses apportées par nos Collègues, vos Commissaires ont adopté, à l’unanimité, la proposition de loi organique n° 10/2025 portant Règlement intérieur de l’Assemblée nationale. Ils vous demandent d’en faire autant, s’il ne soulève, de votre part, aucune objection majeure.